DECLARATION LIMINAIRE

Mesdames et messieurs les journalistes, Chers invités
Au nom du Bureau exécutif du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC), nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d’avoir répondu favorablement à notre invitation de ce jour, 23 décembre 2021.
La présente conférence de presse s’articulera autour des points suivants :
La situation sécuritaire nationale
Les activités commémoratives du 3e anniversaire du massacre de yirgou.

Mesdames et messieurs les journalistes,
La situation sécuritaire dans notre pays n’a cessé de se dégrader au fil des ans depuis 2016. Si le premier trimestre de l’année 2021 a été relativement calme, ce ne fut pas le cas pour la suite de l’année 2021.
En effet, nous assistons avec inquiétude et consternation à la dégradation continue de la situation sécuritaire du pays avec une escalade de la violence sans précédent. Des massacres de populations civiles, des attaques contre les positions des FDS et des symboles de l’Etat se sont multipliées faisant des centaines de morts. Aujourd’hui, la crise a entrainé plus de 1 500 000 déplacés internes, la fermeture de près de 3000 écoles (soit 10% des écoles), ¼ des enfants n’ont plus accès à l’école au niveau nationale et des pertes du contrôle de l’autorité de l’Etat de portions importantes du territoire national. Cette situation a entraîné aussi une hausse de l’insécurité alimentaire, et une explosion des violences basées sur le genre (VBG) à l’encontre des femmes et des filles. La peur et le désarroi sont en train de laisser la place à un mouvement de colère grandissant qui s’exprime contre les autorités nationales et des pays extérieurs qui sont présents militairement dans le pays, notamment la France.

Si le phénomène d’insécurité semblait jusque-là circonscrit dans les régions de l’Est, du Sahel, du Nord, de la Boucle du Mouhoun, il faudra désormais y ajouter les régions des Cascades, du Sud-Ouest, du Centre-Est qui sont aujourd’hui de plus en plus touchées.

Il convient de noter que la spirale de la violence à l’égard des populations civiles s’est accentuée depuis l’entrée en jeu des civils armés en l’occurrence des koglwéogos puis des volontaires pour la défense de la patrie VDP (depuis janvier 2020) dans la lutte contre le terrorisme. En cette année 2021, la tendance s’est poursuivie et même s’est aggravée avec le ciblage systématique des volontaires pour la défense de la patrie (VDP) ou des villages ayant installé des VDP par les groupes armés terroristes (GAT). Ces VDP et les populations civiles ont payé un très lourd tribut en termes de vies humaines perdues. Au nombre des attaques terroristes gravée dans les mémoires des Burkinabè, on peut citer entre autres : Solhan avec plus de 130 morts, Kodiel et sa trentaine de morts, Inata avec au moins 58 morts, l’attaque du convoi sur l’axe Dori-Arbinda le 18 Août avec une cinquantaine de morts… Ainsi face à cette gravité de la situation, on peut admettre que le Burkina est un pays en situation de conflit armée non international.

Depuis quelques semaines voire des mois, les appels au secours de populations prises en tenaille par les groupes armées terroristes ne cessent de nous parvenir. Les plus assourdissants sont : Dablo, Titao…
Alors, il convient de rappeler que dans la lutte contre le terrorisme, notre pays a commis plusieurs erreurs qu’il peine à rattraper. La première fut incontestablement la création de certaines milices armés ou groupes d’auto-défense Koglwéogos, ensuite leur parrainage politique ayant favorisé l’impunité dans le dossier Yirgou et autres cas similaires où ils sont accusés de commettre des exactions contre certaines communautés. La 2nde erreur a été de transvaser ces mêmes Koglwéogos de moralité douteuse ou colporteurs de violence dans les rangs des VDP après l’adoption de la loi relative à la création des VDP. A cela, il faut ajouter la stigmatisation communautaire qui a déstructuré le tissu social et multiplié les conflits intercommunautaires.

Aussi, les exécutions sommaires et extra-judiciaires ont davantage fragilisé la collaboration populations-FDS et surtout contribué à renforcer les effectifs des groupes terroristes qui, usant de perfidie, se présentaient comme des sauveurs de ces populations ‘’abandonnées’’ par la république. La stratégie de la neutralisation systématique des suspects a été contre-productive pour notre pays. Car, depuis que l’on annonce à coups de communiqués des dizaines de terroristes neutralisés, le Burkina n’a pas réussi à récupérer des portions de territoires que l’Etat avait abandonnées.

C’est également le lieu pour nous de dénoncer les propos irresponsables de certains acteurs politiques qui prônent la tactique de la terre brûlée, en l’occurrence le député Abdoulaye Mossé, vice-président de l’Assemblée nationale qui appelait au cours d’une séance plénière à tout ‘’raser’’ au Sahel y compris les arbres et les animaux. Quelle est l’utilité d’un territoire sans habitants ? Comment un responsable peut-il tenir de telles inepties ?

Mesdames et messieurs les journalistes,
Depuis le massacre ethnique de yirgou, le CISC a maintes fois tiré la sonnette d’alarme en expliquant que l’impunité de yirgou risque fort de provoquer un embrasement dans la région du Centre-Nord et partant du Burkina tout entier. Hélas, mille fois hélas, nous n’avons pas été écoutés. Et les conséquences sont là aujourd’hui. Le CISC est malheureux de n’avoir pas été entendu, le CISC est malheureux d’avoir eu raison dans son diagnostic. Néanmoins, tout n’est pas encore perdu. Nous devons espérer un réveil de l’autorité politique, mais aussi et surtout, espérer que le bon diagnostic soit fait et le remède approprié soit administré afin de restaurer l’intégralité du territoire du Burkina Faso.
C’est pourquoi, face à l’impasse actuelle, le CISC :
-Invite l’Etat burkinabè sur l’urgence de faire toute la lumière sur le massacre d’Inata, et sanctionnant tous les acteurs ayant livrés nos braves soldats à la faim, à la soif et à l’ennemi. Il faut auditer la gestion de la commande publique du ministère de la défense afin de mieux assainir le milieu et mieux équiper nos FDS avec du matériel de qualité.

  • Appelle le gouvernement burkinabè et ses amis et partenaires à prendre la mesure de la colère qui gronde au sein de la population et à réorienter sa réponse à la crise plutôt que de céder à la facilité du tout-militaire qui a failli
    -Invite les forces de défense et de sécurité (FDS) et les forces partenaires, à faire preuve d’une plus grande transparence et de redevabilité dans la conduite de leurs opérations militaires afin de restaurer la confiance avec les civils au lieu de continuer à commettre des exactions extrajudiciaires comme les cas récents de tueries de Djigoué le 23 novembre, au sud-ouest, du Burkina.
    -Invite l’Etat Burkinabè à mettre en avant la transparence à travers une procédure régulière, la bonne moralité, quand il s’agit de recruter des auxiliaires de défense qu’il faudra enrôler dans l’armée car des civils armés ne saurait remplacer une armée régulière
    -Interpelle l’Etat burkinabè à lutter efficacement contre l’injustice et l’impunité car les exactions, largement documentées, attribuées à certains éléments des forces de défense et de sécurité continuent de bénéficier d’une impunité quasi-totale, ce qui ne fait qu’alimenter le cycle de violence, ouvrant la voie à toutes les dérives possibles, mais également favorise le recrutement des groupes armés terroristes qui usent de perfidies diverses pour des raisons qui leur sont propres.
    -Invite l’ensemble du peuple Burkinabè à organiser un dialogue avec tous les acteurs sur le vivre ensemble, l’accès aux ressources naturelles et aux services sociaux de base depuis l’échelon du village jusqu’au niveau national afin de poser les jalons d’un État nation où notre diversité devient une richesse et non une source de conflit. …
    -recommande des assises communales inclusives de toutes les communautés au niveau national pour discuter de toutes situations conflictogènes liées à la cohésion nationale. …..
    -invite le gouvernement à mettre en œuvre les recommandations concrètes du rapport de la Coalition citoyenne pour le Sahel pour une réponse centrée sur les besoins des populations, rapport « Sahel : ce qui doit changer », publié en avril 2021. Plus que jamais, il est impératif de mettre en œuvre une stratégie fondée sur les quatre « piliers citoyens », qui priorise la protection des civils, apporte des réponses politiques aux causes profondes de la crise, notamment en matière de gouvernance, répondre à l’urgence humanitaire et lutter efficacement contre l’impunité.

Mesdames et messieurs les journalistes,
A l’occasion du 3e triste anniversaire du massacre de yirgou, le CISC prévoit l’organisation des activités commémoratives suivantes :
Un panel sur le thème « Quels liens entre les violations des droits humains et la dégradation de la situation sécuritaire au Burkina Faso», le 08 janvier 2022, au CBC ;
Une journée des communautés à Boussouma en mi-janvier 2022
Une sortie pour assistance aux PDI dès début janvier 2022

Dr. Daouda DIALLO
Secrétaire Général du CISC