Déclaration liminaire de la Conférence de presse du 28 octobre 2020

Mesdames et messieurs les journalistes,
Au nom de l’ensemble des structures parties prenantes à cette conférence de presse, je vous remercie d’avoir répondu favorablement à notre invitation de ce jour, 28 Octobre 2020. Cette conférence de presse porte sur l’aggravation de la situation sécuritaire liée aux insuffisances de certaines mesures prises pour contrer cette situation.
Le Burkina Faso est en proie au terrorisme depuis maintenant cinq ans. Le phénomène ne cesse d’endeuiller notre pays. Les morts sont estimés désormais à des milliers. Les éléments des forces de défense et de sécurité (FDS) qui sont en première ligne dans ce combat ont payé et continue malheureusement de payer un lourd tribut. Mais, les populations civiles également ne sont pas épargnées et sont les souffrantes de la situation. Les représentants de l’autorité civile administrative (préfets, maires…), leaders religieux et coutumiers, conseillers municipaux, enseignants, agents de santé, humanitaires, paysans (agriculteurs, pasteurs nomades), simples anonymes… font régulièrement les frais de cette barbarie.
Pour contrer le drame qui prend de l’ampleur au fil du temps, avec un rétrécissement des espaces de liberté et de sécurité dans notre pays, le Président du Faso avait décrété le 31 décembre 2018 l’état d’urgence sur 14 provinces. Dès les premières heures, les Burkinabé avaient salué cette mesure qui vise à renforcer la sécurité des zones touchées par l’insécurité grandissante ainsi que les attaques terroristes. Mais face à l’application de la mesure d’Etat d’urgence, aujourd’hui, plusieurs plaintes émanant des populations sont enregistrées sur le terrain allant des graves violations de droits humains dans les localités sous Etat d’urgence, du manque d’encadrement des pouvoirs des autorités administratives et militaires au manque de transparence dans la gestion de cette situation d’exception que traverse notre pays.
En fin 2019, le président du Faso a encore lancé un appel à la mobilisation populaire générale à travers la mise en place des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Au même moment, il avait appelé l’ensemble des Burkinabè à se départir de la stigmatisation et du repli identitaire qui sont des graves dangers à même de mettre à mal le vivre ensemble dans notre pays. Si cet appel a été suivi de l’adoption d’une loi relative à la mise en place des VDP par l’Assemblée nationale dès janvier 2020, force est de constater que le recrutement et le fonctionnement des VDP n’est pas conforme aux dispositions de la loi. L’appel à se départir de la stigmatisation également n’a pas été suivi d’effet sur le terrain.
Car, au moment où tous les discours officiels prônent la cohésion sociale pour parvenir à un retour d’une paix durable dans notre pays, des VDP censés protéger et défendre les populations des villages rament à contre-courant en s’adonnant à une stigmatisation communautaire sans précédent. Barga, Tanwalbougou… sont des exemples honteux pour tout Burkinabè soucieux du droit à la vie.

Mesdames et messieurs les journalistes,
Depuis quelques temps, le CISC, le MBDHP, l’ODJ et plusieurs autres organisations de défense des droits humains sont régulièrement interpellés par des citoyens burkinabè sur des cas de violations graves du principe de libre circulation des personnes et des biens sur le territoire burkinabè. En effet, dans les régions du Nord, du Centre-nord, de l’Est, de la Boucle du Mouhoun, du Sahel des populations civiles sont descendus des véhicules, contrôlées au faciès, humiliées et souvent tuées pour leur appartenance ethnique par des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) qui, pourtant, ont pour mission de les protéger.
Même des élèves, des enseignants et autres fonctionnaires bien identifiés comme tels et désirant rejoindre leurs établissements de service ne sont pas épargnés par ces traitements inhumains et dégradants. Assimilés à des terroristes, ils sont débarqués des véhicules de transport en commun et violentés avec comme conséquence la déscolarisation et des abandons de postes de nombreux élèves et instituteurs dus à des comportements d’une autre époque des VDP. Des témoins vivants existent pour illustrer cette pratique honteuse.
L’autre conséquence, c’est que ces désœuvrés que la patrie semble avoir rejeté pourraient retomber entre les mains de notre ennemi commun, à savoir les groupes armés terroristes. Comment peut- on imaginer et admettre de tels comportements dans une république et dans un Etat de droit ? Surtout à un moment où toutes les communautés sont déjà traumatisées par le phénomène du terrorisme. L’heure doit être à l’union sacrée autour de l’essentiel.
Mesdames et messieurs les journalistes,
Les principaux axes routiers concernés par les contrôles au faciès sont :

  • Pour la région de l’Est : l’axe Fada-Kantcharie-Frontière du Niger (Check Point de VDP à Tawalboubou) ; l’axe Fada-Pama-Frontière du Bénin (Check point de VDP de Nagaré et Natiaboani) ; l’axe Fada-Comin-Yanga-Frontière du Togo (Check Point de VDP de Koaré) ;
  • Pour la région du Nord : l’axe Ouahigouya-Titao (deux check point de VDP entre le barrage de Tougou et Titao) ; l’axe Ouahigouya-Thiou (position de VDP à l’entrée de Thiou) ;
  • Pour la Boucle du Mouhoun, les axes Bomborokuy-Barani, Barani-Sékuy-Boulé, Bomborokuy-Gninamou (check point de VDP et certains Dozos). Pire les membres de la milice Dan Nan Ambassagou du Mali replient de plus en plus sur le territoire burkinabè et commettent des massacres sans être inquiétés.
  • Pour le centre-nord : Kaya-Barsalgho, Barsalgho-Foubé, Barsalgho-Pensa… ;
  • Pour le Sahel : Dori-Arbinda, et dans le Yagha on a des membres de certaines organisations de la société civile qui sont aussi victimes de stigmatisation aussi bien de la part des groupes terroristes que certains éléments des FDS. On se rappelle que c’est dans cette province que deux militants de l’ODJ ont été froidement exécutés alors qu’ils se rendaient à une réunion convoquée par le Haut-commissaire. Les corps des deux militants sont toujours à la morgue du CMA de Bogodogo en attente d’une autopsie, plus d’un an après le drame.
    Ces cas graves de violations des droits humains devraient interpeller la conscience de tous les Burkinabè et surtout interpeller l’autorité compétente sur une tournure inquiétante de la situation sécuritaire dans notre pays. Des civils armés et entretenus par l’Etat burkinabè se doivent de rassurer toutes les populations et non stigmatiser une partie. Mais, tolérer les dérives sous le fallacieux prétexte de risque de démoralisation des éléments des FDS et leurs supplétifs n’est pas seulement lâche, mais suicidaire.
    Convaincus que les contrôles au faciès, les humiliations, les exécutions sommaires, l’Impunité, les attaques contre les organisations démocratiques de lutte, les graves dérives des volontaires pour la défense de la patrie (VDP), l’intrusion des milices étrangères dans notre pays ne sauraient être une stratégie efficace de lutte contre le terrorisme, Nous, organisations de défense et de protection des droits humains (CISC, le MBDHP, l’ODJ…) :
  • exigeons la prise de mesures fortes pour mettre fin aux excursions en territoire burkinabè de la milice génocidaire Dan na ambassagou du Mali ;
  • Exigeons du gouvernement toute la lumière sur les dossiers de crimes de masse comme Yirgou, Banh, kain, Yagha, Tawalbougou… et des mesures adéquates afin de protéger les personnes et leurs biens dans ces zones fortement touchées par l’insécurité ;
  • attirons l’attention de la communauté internationale, des amis et partenaires du Burkina Faso sur les faits graves de violations des droits humains dont se rendent coupables des VDP sous le regard complice du gouvernement du Burkina Faso ;
  • exigeons du gouvernement le respect de l’esprit et des termes de la loi portant création et fonctionnement des VDP et l’implication des personnes ressources des différentes localités dans le processus de mise en œuvre ;
  • félicitons le maire de Barga qui arrive à manager avec certains VDP pour le retour sans distinction ethnique des déplacés des villages comme Lemnogo, Ramadollah et Benè…
  • exhortons les autorités, les forces de défense et de sécurité (FDS) d’exercer leur mission en toute responsabilité dans le respect strict des droits humains sans tomber dans le jugement facile que sont la discrimination et la stigmatisation;
  • appelons les autorités judiciaires à mener des investigations profondes de ces cas d’arrestations, de disparitions forcées, de viols, de vols et d’exécutions extra-judiciaires pour punir conformément à la loi les auteurs.
  • appelons le peuple à se mobiliser massivement et prendre part au meeting de commémoration de l’an VI de l’Insurrection populaire qui aura lieu à la Maison du Peuple de Ouagadougou le samedi 31 octobre 2020 à partir de 9h.

ENSEMBLE, ENRAYONS LE DÉLITEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE !
Je vous remercie pour votre aimable attention.

lwili